Gunnung Rinjani - 3726m: we did it !!!
Après nos tribulations balinaises, Audrey et moi nous rejoignons à Lombok où le programme des prochains jours est des plus incertains... Quelques jours sur cette île, puis Flores et le Timor, Sulawesi et Bornéo, la Papouasie ?...
En attendant, nos premiers pas sur Lombok sont dans la lignéesde notre séjour balinais et nous profitons de l'hospitalité de Jean et Josiane en logeant au magnifique Quincy Pool Villa à Senggigi, où les jours s'écoulent des plus paisiblement. Entre deux vagues et excursions sur les meilleurs « reef » du sud, nous nous employons essentiellement...à lézarder au soleil en bouquinant entre deux brasses coulées et deux cocktails !!
Puis c'est au tour de Jean et Josiane de s'envoler pour Jimbaran : il nous faut décider du programme. Après quelques heures de réflexion, décision est prise : nous nous sommes laissés convaincre, et malgré les terrifiants commentaires aperçus sur les blogs de nos prédécesseurs, nous partirons demain pour la montagne sacrée, le grand, le célébre Rinjani ! Une fois n'est pas coutume, nous serons factuels. Le Gunung Rinjani est un fascinant volcan au centre de Lombok, le plus haut sommet d'Indonésie...
Trois jours d’ascension, 3800m de dénivelé positif, 3400m de dénivelé négatif... Serons-nous capable de le faire ? Rien n'est moins sûr !! Nous nous promettons d'être persévérants mais humbles. Et avant de nous coucher, nous relisons les articles de précédents randonneurs ayant tenté le sommet... « Trois jours et deux nuits en enfer », « n'en pouvant plus, Sophie s'arrête en pleurant », « la nuit glaciale ne nous permettra pas de reprendre la moindre force pour le lendemain ». Nous nous endormons avec un enthousiasme préservé, mais concentrés et...une petite boule au ventre :)
4h45, le réveil sonne. Le chauffeur nous attend. 2H de route nous mènent à Senaru, point de départ de la randonnée. Si certains d'entre vous souhaite un jour entreprendre le trek du Rinjani, commencez depuis Senaru. Certes le dénivelé est plus important, mais le trek est dans ce sens beaucoup moins dangereux.
Arrivés au village, nous faisons la rencontre de nos guide et porteurs pour les trois prochains jours. Han, guide d'exception, 25 ans, environ 200 fois parvenus au sommet, Pendi, son petit frère, 17 ans, venu prêter main forte, et Saru, 32 ans, Saru le porteur infatigable aux traits montagnards, aussi sec que fort, soudé à ses « Bamboo sticks » qui emporteront nos 30 kg de matériel ! Nous ne pouvons plus reculer.
Le départ est donné. Le premier jour commence. Partant à 600m d'altitude, nous montons droit dans la forêt pour atteindre le premier camp, délicatement posé sur les flancs de l'immense caldeira et offrant une vue splendide sur le « Baby Rinjani », étonnant petit volcan posé au milieu du lac au centre du cratère du Grand Rinjani. Mais avant de pouvoir se réveiller face à ce paysage de carte postale, nous devons grimper les 2100m de dénivelé du jour pour atteindre le camp. Dans les parties les plus difficiles, le silence est religieux ! Nous nous accordons peu de pauses sauf pour plaisanter et rire de bon cœur avec notre équipe de choc, Han et ses deux compères, qui, nous le sentons déjà, seront de merveilleux compagnons ! Bonne surprise : notre condition ne se serait-elle pas améliorée depuis le début de ce PetitBoutDuMonde ? Arrivés dès 15h au camp, nous avons la chance d'admirer en solitaire le spectacle du Rinjani et nous savourons cette première étape !
Nous partageons une BinTang avec l'équipe pour fêter cela face au coucher de soleil qui enflamme les Gili, nous contemplons le lac, le cratère et la fumée s'échappant de temps à autre du cône du volcan, 700m en contrebas. Un panorama de toute beauté auquel seule la nuit nous arrachera pour rejoindre notre tente.
Le repos du guerrier, car ne levons pas les bras trop vite, deux jours nous séparent encore du sommet. Et au dire de notre guide, il y a encore du pain – beaucoup de pain – sur la planche !
Après la grasse matinée – lever 06h30 - grâcieusement accordée par nos guides, petit déjeuner au soleil et départ pour le second jour de marche. Il est 07h00, les tentes sont pliés, les sacs bouclés ; nous devons d'abord rejoindre le lac 700m plus bas. Et là où nous autre européens avons l'habitude de prendre des chemins tracés en pente douce, les indonésiens préfèrent eux...l'escalade ! Pas à pas, 2H30 plus tard, nous voilà sur les bords du lac pour prendre notre déjeuner. Mais si le paysage reste splendide, notre présence au bord du lac a un goût amer : nous devons reconnaître que les locaux, mais aussi les randonneurs qui ne s'en émeuvent voire même feignent de ne rien remarquer, n'ont un respect que très limité de la nature. Des détritus abandonnés, de toutes sortes, jonchent les bords de ce paysage de rêve. Et malgré les efforts de quelques guides, conscients des enjeux et des risques pour leur montagne, nous ne pouvons que regretter cette gestion calamiteuse des lieux. Certains randonneurs nous feront même que cela est « tout de même pour une partie biodégradable » ! Oui, certes, mais la biodégradabilité ne s'affranchit pas du temps nécessaire pour éliminer ne serait-ce que ces pauvres morceaux de papier toilette qui enguirlandent la moindre plante aux abords du lac, et en attendant, le stock grandit...
Entre colère et tristesse, nous partageons notre sentiment, mais aussi notre impuissance avec Han ; a minima nous nous attacherons comme dans toutes les autres montagnes, mers, ruisseaux, forêts que nous avons pu traverser à ce jour, à ne rien laisser d'autre derrière nous que quelques gouttes de sueur, quelques cris de joie et l'empreinte de nos semelles. Mais assez philosophé : le déjeuner avalé, il est de le temps de se remettre en route ! Nous devons rejoindre sans plus tarder le camp de base du sommet. 700M, cette fois-ci « au-dessus » de nos tête. De l'autre côté, tout en haut de la crête du cratère, le camp nous attend pour une très courte nuit.
Flic Flac... le ciel se charge et sitôt repartis la pluie fait son apparition. Des fines gouttes nous rafraîchissent d'abord le visage, puis tournent bientôt à une pluie battante. Très vite, chacun de nos pas nous rappelle les précieux conseils de l'agence de Senggigi nous ayant recommandé de commencer l'expédition depuis Senaru : loin de la randonnée, cette seconde journée est une vraie partie d'escalade sur des roches glissantes !... Et même si les porteurs, pieds nus, leur balancier de bambou chargé de trente kilos, sautent d'un rocher à l'autre, nous peinons à avancer. Les vides de 50 à 100m nous rappellent à l'ordre et nous remercions encore notre guide de nous avoir fait faire le tour dans ce sens et de devoir gravir cette partie. La redescendre par ce temps aurait été une pure folie et la touriste autrichienne tombée la semaine précédente de 16m avant d'être évacuée par dix porteurs en attendant un hélicoptère qui n'apparaîtra que le lendemain, pourra en témoigner.
Enfin, bon an mal an, dans notre « Monkey attitude » (attitude consistant à utiliser aussi bien ses mains que ses pieds et son postérieur pour assurer ses prises :) selon l'expression affectueuse de Han, nous gravissons cette satanée montagne, et trempés jusqu'aux os atteignons enfin le camp de base ! Ouf ! La pluie cesse, comme chaque soir, pour laisser apparaître le sommet. Un dîner vers 17h et nous voilà couchés...avant 18h.
Car oui, la nuit sera courte ; très courte : 1h55, Han nous apporte le thé. Trente minutes plus tard, frontales scintillantes, nous entamons l'ascension des 1000 derniers mètres qui nous séparent du sommet. Il est 02h30 ce matin. La nuit, presque sans lune, est encore intensément noire.
Entre fatigue et peur du vide (pouvant atteindre 1700m sur notre droite et presque autant sur notre gauche), la montée se fait lentement. Bien sûr nous ne le voyons pas, mais nous reconnaissons le vide à sa couleur : son noir est pur. Avançant à pas de loup sur l'arrête du cratère, large parfois de moins de 1m, dans l'obscurité et sans autre bruit que celui des pierres de lave soufflées lors de la dernière éruption et roulant sous nos pas, nous nous relisons mentalement les témoignages lus sur Internet. Plus que quelques mètres. Il fait froid, très froid, et le manque de visibilité renforce le sentiment de vide jusqu'au vertige. Audrey décide de se poser sur l'arrête à quelques pas du sommet. A l'inverse, moins affecté par le vide obscur qu'en pleine lumière, je plante quelques minutes plus tard notre drapeau sur ce mythique sommet ! Nous voilà donc sur le toit de Lombok. Le jour se lève, et nous l'accueillons avec une joie non dissimulée quand les premiers rayons du soleil viennent enfin nous réchauffer. La clarté ayant dissipé son appréhension, Audrey prend son temps pour parcourir les premiers mètres du retour et ne se lasse pas de contempler ce fabuleux paysage tout au long de la crête qui surplombe l'immense caldeira, le lac, son île, son volcan, et à l'horizon, l'immensité de la mer de Lombok . Splendide ! Pour ma part, la vue de mes pieds sera celle qui sans aucun doute m'accompagnera du sommet jusqu'au camp de base, le retour du jour s'étant accompagné de celui du...vertige ! Mais déjà, passée la montée d'adrénaline qui accompagne la joie d'avoir tenu bon, nous pensons aux 2700m de dénivelé négatif qui nous attendent, 9h de descente entre rochers et sentiers glissants.
Retour au camp de base : un petit déjeuner avalé en vitesse et nous reprenons le chemin de Sembalun, point final de notre aventure. 5H plus tard, les jambes paralysées, les genoux et les chevilles tremblantes, les pieds endoloris, nous atteignons notre but. Comme nous le redoutions, la descente fut interminable, infernale, bien plus éprouvante que la montée. Épuisés, et parvenant tout juste à poser encore un pied devant l'autre, il nous faut encore non sans émotions dire adieu à Han, Pendi et Saru qui auront été de merveilleux compagnons de montagne et guides.
Epuisés donc mais heureux !!!
Nous en revenons des images plein la tête, de paysage mais aussi de sourires et de rires partagés avec nos hôtes.
La journée en bord de mer, seulement troublée par d'excellents repas au Square et un massage, ne sera pas inutile. Demain, route pour Jimbaran et Bali, avant de repartir pour Sulawesi, ses traditions ancestrales et ses plongées de rêve...